envoler (s')

envoler (s')

⇒ENVOLER (S'), verbe pronom.
A.— [Le suj. désigne un animal, notamment un oiseau, un insecte] Prendre son vol. Les moineaux, le papillon s'envole(nt); s'envoler d'une branche, à l'approche de, lourdement. Le martin-pêcheur, en s'envolant, fait glisser son reflet bleu (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 52). V. alouette ex. 4.
En partic. S'échapper en volant. S'envoler d'une cage. J'ai un oiseau qui s'est envolé, le bleu, celui dont tu m'avais fait cadeau (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 900).
Au fig., fam. Disparaître brusquement, prendre la fuite sans être vu. Il n'y a plus que le nid, les oiseaux s'en sont envolés, sont envolés (Ac. 1798-1932) :
1. Elle allait monter à son tour lorsque le médecin reparut. — L'oiseau s'est envolé, dit-il. Sacrée nouvelle! — Envolé? Mais ses habits sont sous clef, ses chaussures, tout. Il est en pyjama, pieds nus.
BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1512.
Emploi factitif. Les corbeaux que je faisais envoler d'un arbre pour se poser sur un autre (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 132). Les gamins jettent des pierres pour faire envoler les mouettes (RENARD, Journal, 1904, p. 906).
Emploi impers. De dessous des cloches d'or, il s'envole des oiseaux (FLAUB., Tentation, 1849, p. 383).
P. anal.
1. [Le suj. désigne un aéronef, notamment un avion] Quitter sa piste de décollage, sa base de lancement. Synon. décoller. Je regarde le soleil se lever et la « Constellation » s'envoler. C'est un avion géant, très haut sur pattes, plus insecte qu'oiseau (MAUROIS, Journal, 1946, p. 137).
2. [P. méton. du suj.; le suj. désigne une pers.] Partir à bord d'un aéronef. Je m'envolai d'Alger sur mon avion habituel (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 294). Car elle a su avant qu'il s'envole que son mari, Youri Gagarine, allait être le premier homme de l'espace (France-Dimanche, 20, 26. 4. 1961, p. 7, col. 1 ds GUILB. Astronaut. 1967).
B.— P. ext. [Le suj. désigne un inanimé concr.]
1. Être emporté en l'air, par le vent. S'envoler en fumée, en poussière. Des feuilles jaunes tournoient et s'envolent (GOZLAN, Notaire, 1836, p. 105). Tout sera évanoui comme la poussière qui s'envole, comme la fumée qui se dissipe dans l'air (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 95).
Rare, emploi factitif. Mon chapeau de paille qu'un coup de vent envola dans le Rhône (MALLARMÉ, Corresp., 1866, p. 228).
Emploi impers. Il s'envolait de la paille battue une fine poussière (AYMÉ, Jument, 1933, p. 174).
2. Flotter dans le vent. Je vois s'envoler ses fins cheveux d'or Au zéphyr qui les adore (BANVILLE, Stalact., 1846, p. 331).
Emploi factitif. Bouffées de grand air qui faisaient envoler les rideaux de l'alcôve (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1325). Des mèches grises que le vent avait envolées (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 776).
3. En partic. [Le suj. désigne une odeur ou un son] Être porté par l'air. Synon. s'élever, monter.
a) [Le suj. désigne une odeur] Le loup grillé d'où s'envolait une savoureuse odeur de beurre fondu (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Champ d'oliv., 1890, p. 88). L'odeur des daturas, qui rampait, s'envole, enlacée à celle d'un citronnier (COLETTE, Dialog. bêtes, 1905, p. 130).
b) [Le suj. désigne un son] Par la porte restée grande ouverte, le chant des psaumes s'envolait (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 86). Les notes [d'une chanson] en s'envolant avaient l'air de dessiner la ronde (ESTAUNIÉ, Choses voient, 1913, p. 49).
C.— Au fig. et p. métaph.
1. [Avec l'idée d'élan, de légèreté, d'élévation]
a) [Le mouvement est réel]
[Le suj. désigne une pers.] S'élever en l'air, s'élancer à partir du sol :
2. ... on croirait qu'elle [une danseuse] va s'envoler; cependant sa danse est modérée, et ses pas sans prétention; elle se contente de circuler avec légèreté, en développant ses formes aimables et gracieuses; mais à quelques échappées on devine ses pouvoirs (...). Même quand l'oiseau marche on voit qu'il a des ailes.
BRILLAT-SAVARIN, Physiol. du goût, 1825, p. 301.
[Le suj. désigne un moyen de transport ou un animal] Aller à vive allure. Rapide, le caïque file déjà, s'envole sur l'eau sombre (FARRÈRE, Homme qui assassina, 1907, p. 300). Il [le cheval] passa d'un élan le peloton... Il s'envolait littéralement! (VIALAR, Éperon arg., 1952, p. 41).
P. méton. Avec la vigueur des deux chevaux, on s'envolait (LA VARENDE, Dern. fête, 1953, p. 240).
b) P. métaph. [Le mouvement est fictif]
[Le suj. désigne une pers.] Mourir, d'une mort douce ou pieuse. La joie d'un saint qui s'envole vers Dieu (MUSSET, Quenouille Barb., 1840, II, 3, p. 310) :
3. En prononçant ces mots elle [Élisabeth] baissa la tête comme dans un doux sommeil, et rendit en triomphe le dernier soupir. Son âme s'envola au ciel au milieu des anges et des saints qui étaient venus au devant d'elle.
MONTALEMBERT, Hist. de Ste Élisabeth de Hongrie, 1836, p. 273.
[Le suj. désigne un inanimé concr.] S'élancer avec légèreté vers le haut, s'élever. La cage d'escalier, sonore et nue, s'envole là-haut vers les étages (GENEVOIX, Rroû, 1931, p. 47).
[Le suj. désigne la pensée ou un élément du style, de l'expression, écrite ou orale, d'une pers.] La phrase prête à s'envoler ne déploya pas ses ailes sonores (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 203). Quand ma pensée à Dieu s'envole librement! (DESB.-VALM., Fragm., 1859, p. 247) :
4. Je ne puis m'imaginer Chateaubriand autrement que debout; il devait écrire debout, ce noble artisan du style, dont les phrases s'envolaient avec un bruit d'ailes si large.
ZOLA, Documents littéraires, Chateaubriand, 1881, p. 11.
2. [Avec l'idée d'une disparition soudaine, d'un départ rapide ou brusqué]
a) [Le mouvement est réel]
[Le suj. désigne une pers.] Partir précipitamment, s'enfuir. Synon. s'éclipser. Ces deux femmes s'envolèrent sans châle ni chapeau (BALZAC, Goriot, 1835, p. 215). La fille de Pétamounoph s'était envolée par là (GAUTIER, Rom. momie, 1858 p. 255).
[Le suj. désigne un inanimé concr.] Disparaître brusquement, rapidement. Synon. se volatiliser :
5. Maman avait trouvé son coffre ouvert et disparus bijoux, argenterie. Dans le salon où soudain elle courut, d'assez beaux vases chinois s'étaient envolés.
DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, p. 272.
Rem. On constate, notamment dans le registre oral, l'absence d'auxiliaire aux temps composés. Le Sphinx. — Œdipe! Où est-il? Où est-il? Anubis. — Parti, envolé. Il court à perdre haleine proclamer sa victoire (COCTEAU, Machine infern., 1934, II, p. 85). V. supra ex. 1.
b) [Le mouvement est fictif] Disparaître brusquement, se dissiper. Enfin, va, conclus : les terrains ne s'envoleront pas, ils seront à nous pour moitié (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 131). Des épouses guettant la paie, pour l'empêcher de s'envoler chez le marchand de vin (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 761).
En partic., p. métaph. Les cloches envolées pour Rome durant la semaine sainte (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 338).
3. [Avec l'idée d'une disparition, d'un effacement généralement irréversibles] Passer rapidement, disparaître.
a) [Le suj. désigne une réalité temporelle ou qui s'inscrit dans le temps] La jeunesse s'envole. Synon. s'écouler s'enfuir, s'évanouir. Ce laisser passer du temps qui s'envole (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 282). L'espoir s'envole, la résignation, toute noire, s'abat lourdement sur l'âme (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 231). V. chauve citat. de Reybaud :
6. Sous le sombre aquilon, dont les mille voix pleurent, Poussière et genre humain, tout s'envole à la fois. Hélas! Le même vent souffle, en l'ombre où nous sommes, Sur toutes les têtes des hommes, Sur toutes les feuilles des bois.
HUGO, Les Contemplations, t. 2, 1856, p. 148.
b) [Le suj. désigne un aspect physique ou moral d'une pers.] Toute fatigue parut s'envoler de mes muscles (BENOIT, Atlant., 1919, p. 174).
P. métaph. Le doute ressemble à ces mouches importunes qu'on chasse et qui reviennent toujours. Il s'envole sans doute au premier geste de la raison (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 222).
Proverbe. Les paroles s'envolent, les écrits restent.
Prononc. et Orth. :[], (je m')envole []. Enq. : // (il s')envole. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1160 « s'échapper (en parlant d'étincelles) » (Enéas, éd. Salverda de Grave, 9730); 1. ca 1260 pronom. « prendre son vol (en parlant d'un oiseau) » (Menestrel Reims, éd. N. de Wailly, § 464 : A tant bati ses eles, et s'envola); ca 1350 au fig. (G. LE MUISIT, Poésies, I, 198 ds T.-L.); 2. 1553 « flotter au vent » ici « être emporté par le vent » (Bible, imprimerie J. Gérard, Ecclésiastique, chap. 43, verset 15 : les nuées s'envolent comme oiseaux). Composé de en pron. adv. de lieu et de voler. Fréq. abs. littér. :1 573. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 773, b) 3 762; XXe s. : a) 2 600, b) 1 595. Bbg. PINCHON (J.). Questions de vocab. Fr. Monde. 1968, n° 60, p. 54.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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